Par Anais Foliot, Consultante Senior
En pleine lecture des Racines du Ciel, de Romain Gary, je me prends à penser : « Tiens, enfin un bouquin d’écologie (l’un des premiers sans doute dans ce domaine : il a été publié en 1956) qui ne dissocie pas l’Homme et la nature, qui ne
dresse pas l’un contre l’autre, mais qui les lie indéfectiblement, la sauvegarde de l’un étant la condition – et le reflet – de la sauvegarde de l’autre ».
A travers l’image du combat pour la protection des éléphants, c’est bien une véritable réflexion sur une « écologie humaine » que mène l’auteur et cette question posée : qu’est ce qui fait la noblesse de l’Homme ? Ou encore, dans un monde où l’utilitarisme prévaut sur tout le reste, y’a-t-il encore de la place pour ce qui est mais ne sert à rien sur un plan strictement utilitaire ou politique ? En effet, quoi de plus inutile, anachronique, maladroits, que des éléphants devant les mécanismes dans lesquels le monde moderne voudrait contenir le réel pour le maîtriser toujours plus, voire le déformer ?
J’apprécie ce bouquin parce qu’il ne fait ni l’apologie des traditions ancestrales, ni celle du progrès à tous crin. Au contraire, l’auteur montre, une fois encore à travers l’image des éléphants, que ces deux extrêmes conduisent à la même issue : leur disparition ; l’un parce qu’elle les chasse par nécessité (manger !), l’autre pour les commercialiser (l’ivoire, la peau) ; les éléphants symbolisant ce que l’auteur appelle notre « marge d’humanité ».
Qu’elle est-elle ? Ce plus qui fait de l’être humain un homme, capable de dépasser la nécessité, y compris celle dont il est l’auteur, contre toutes les pressions matérialistes, progressistes, financières, etc… capacité qui exige d’être animé par un idéal, et surtout pas une idéologie.
Enfin, Gary place son intrigue quelques années après la seconde guerre mondiale, son héros, Morel, ayant vécu « l’enfer des camps ». Ce combat pour les éléphants est comme une renaissance de l’homme par l’affirmation de cette marge qui le caractérise. C’est un cri de révolte contre le nihilisme !
C’est cette juste compréhension de ce qu’est l’écologie, pas seulement la défense de la nature mais aussi et surtout la préservation de tout homme, de tout l’homme, que la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) a bien compris et transpose en axes d’amélioration pour les entreprises.
